Oppenheim, Meret, Sansibar, Bâle, Edition Fanal, 1981.

Sansibar de Meret Oppenheim, à la croisée du livre surréaliste et du livre d’artiste

Par Andrea Oberhuber & Camille Anctil-Raymond

Fig. 1 et 2Bien plus connue comme artiste visuelle qu’en tant que poète, Meret Oppenheim (1913-1985 ; Fig. 1) est généralement associée aux objets surréalistes Déjeuner en fourrure (1936 ; acquis très rapidement par le directeur du MoMA) et Ma gouvernante – My nurse – Mein Kindermädchen (1936), ou alors à l’installation spectaculaire Le Festin, commande réalisée en 1959 pour le « Frühlingsfest » (fête du printemps) de Berne puis re-montée dans le cadre de l’Exposition inteRnatiOnale du Surréalisme à la galerie Daniel Cordier au mois de décembre de la même année1Consacrée à Éros, cette exposition était le lieu tout indiqué pour accueillir le corps d’une femme nue sur laquelle étaient posés des aliments que le public pouvait manger comme dans un festin… Il n’est pas difficile de voir derrière l’installation d’Oppenheim la critique du corps féminin en tant qu’objet du regard, objet comestible. . Fig. 3On la connaît aussi pour ses peintures (Steinfrau, 1938), ses readymade (Das Paar, 1956) ou ses autoportraits particulièrement originaux2Je renvoie le lecteur intéressé à un article consacré aux modalités d’autoreprésentation picturale et littéraire que j’ai publié sur Oppenheim : « Figuration de soi et de l’Autre chez Meret Oppenheim », Mélusine, no 33, Paris, 2013, p. 111-123. Pour la pratique de l’autoportrait chez les créatrices surréalistes, voir Georgiana Colvile, « Autoportraits de femmes surréalistes et mythe de sphynx », Mélusine, no 31, 2011, p. 289-314. (Fig. 2). Née à Berlin d’un père allemand et d’une mère suisse, après avoir émigré à Paris dès 1932 où elle devint amie avec Alberto Giacometti et Jean Arp, servit de muse-modèle à Man Ray (on se rappelle le quadriptyque Érotique voilée, 1933, la plaçant impudiquement dans un cadre d’imprimerie, derrière ou à côté d’une roue d’impression ; Fig. 3) et fréquenta Max Ernst et André Breton, entre autres, l’artiste finit par retourner en Suisse, d’abord à Bâle (dès 1938) puis à Berne, où elle réalisa une large partie de son œuvre, loin des cercles avant-gardistes parisiens3Pour la trajectoire et l’esthétique oppenheimiennes, voir Bice Curiger, Meret Oppenheim. Defiance in the Face of Freedom, Zurich-Francfort-New York, Parkett Publishers, 1989, Idem, Meret Oppenheim, Zurich, ABC Verlag, 1982 et le catalogue Meret Oppenheim. Retrospektive : « mit ganz enorm wenig viel », sous la direction de Therese Bhattacharay-Stettler et Matthias Frehner, Berne, Hatje Cantz, 2006, p. 341-346..

Mais Oppenheim est également l’auteure de divers écrits littéraires rédigés entre 1933 et le milieu des années 1980. On compte le recueil Husch, husch, der schönste Vokal entleert sich4Meret Oppenheim, Husch, husch, der schönste Vokal entleert sich, poèmes, dessins de Meret Oppenheim, édition établie par Christiane Meyer-Thoss, Francfort, Suhrkamp, 1984 [1933-74]. qui rassemble des poèmes et des dessins d’une quarantaine d’années (1933-1974) et un autre recueil composé de textes épars, Aufzeichnungen : 1928-1985, Träume5Meret Oppenheim, Aufzeichnungen : 1928-1985, Träume, édition établie par Christiane Meyer-Thoss, Berne et Berlin, Verlag Gachnang & Springer, 1986., qui révèle, dans l’édition par Christiane Meyer-Thoss, une pratique d’écriture plus ou moins régulière, échelonnée dans le temps ; un grand nombre de récits de rêve y côtoie des notes éparses, des esquisses (l’auteure-artiste emploie le terme « Skizzen ») et des dessins qui sont le plus souvent intégrés aux textes. Deux œuvres sont à part dans la production oppenheimienne : il s’agit de Sansibar6Meret Oppenheim, Sansibar, Bâle, Edition Fanal, 1981. (1981) et de Caroline7Meret Oppenheim, Caroline, Bâle, Edition Fanal, 1985. (1985), à la croisée de l’écrit et du pictural. De facture précieuse, ces ouvrages hybrides prolongent l’esthétique surréaliste bien au-delà de la fin du mouvement généralement indiquée par la mort d’André Breton en 19668Si l’on voulait suivre la logique de toute avant-garde à se manifester comme telle, la fin du Surréalisme coïnciderait avec la publication du texte « Le Quatrième Chant » publié le 4 octobre 1969 dans Le Monde et dans lequel Jean Schuster signala la dissolution du mouvement., tout en affichant leurs affinités électives avec le livre d’artiste contemporain que la plupart des spécialistes font remonter à Twentysix Gasoline Stations (1963) d’Edward Ruscha et qui, dans la foulée de ce projet photographique initiateur malgré lui, est aujourd’hui lié aux projets de Marcel Broodthaers, Alison Knowles, Robert Filliou, Daniel Spoerri, Laurent Sfar, Tania Mouraud et Elisabetta Benassi, entre autres9Sur le livre d’artiste, voir Anne Moeglin-Delcroix, Esthétique du livre d’artiste (1960-1980), Paris, Jean-Michel Place et Bibliothèque nationale de France, 2001 [1997], Idem, Sur le livre d’artiste : articles et écrits de circonstance (1981-2005), Marseille, Le Mot et le reste, 2006, ainsi que Andrea Oberhuber et Sofiane Laghouati, « Emploi et contremploi du Livre », Textimage, no 11, 2019, <https://www.revue-textimage.com/17_blessures_du_livre/introduction1.html> (page consultée le 21 février 2020). Pour les différences malgré un certain nombre de convergences entre « livre surréaliste » et « livre d’artiste », voir Andrea Oberhuber, « Livre surréaliste, livre d’artiste mis en jeu », Mélusine, no 32, Paris, 2012, p. 9-30..

Facture précieuse de l’album

La première et unique édition du recueil Sansibar de Meret Oppenheim comporte 200 exemplaires numérotés et signés, dix-huit exemplaires hors-commerce numérotés de I à XVIII ainsi que deux exemplaires d’exposition sur papier Ingres 225 g10La fin du livre nous renseigne sur la technique d’impression des images (des sérigraphies), le tirage limité et le caractère précieux de l’ouvrage : « Sechzehn Texte und Serigraphien nach Entwürfen von Meret Oppenheim. 200 Exemplare von 1-200 und 18 Exemplare HC von I bis XVIII numeriert und signiert, sowie 2 Ausstellungsexemplare E. E., auf Ingres-Papier 225 g. ». Le livre est composé d’un emboîtage en deux parties : les feuillets de quatre pages sont contenus dans une chemise bleu ciel rigide et amovible, ornée de pages de garde et indiquant, sur le dos, les initiales – MO – de l’auteure-artiste à l’horizontale et le titre de l’œuvre écrit en rouge (légèrement teinté d’orange) à la verticale ; le tout s’insère dans un étui de la même couleur et du même matériau. Le format du livre est de 28,2 x 14,3 cm.

Fig. 4Cet emboîtage recèle dix-huit feuillets, tous numérotés sauf le premier et le dernier, respectivement consacrés à la page titre et aux informations éditoriales. Mis à part ces derniers, les feuillets sont embossés grâce à la technique de gaufrage, « [o]pération destinée à créer en relief un motif – imprimé ou non– sur un support » ; on atteint l’effet d’embossage par « la pression exercée sur la feuille, prise entre une gravure en creux du motif et sa contrepartie en relief11Marc Combier, Yvette Pesez et François Richaudeau, « Gaufrage », Encyclopédie de la chose imprimée : du papier à l’écran, Paris, Éditions RETZ, 1999, p. 113. ». Dans le cas de Sansibar, il s’agit de gaufrage à froid puisque le motif en relief n’est ni doré ni rempli d’encre12Voir Michael Barnard, « Gaufrage à froid », Dictionnaire des termes d’imprimerie, de reliure et de papeterie, Paris, Tec & Doc, 1992, p. 77.. Appliquée aux feuillets clos, cette technique fait en sorte que, lorsqu’ouvertes, les pages de gauche donnent à voir la moitié d’un cercle en relief, tandis que sur les belles pages, l’autre moitié du cercle est en creux (Fig. 4). À l’exception du neuvième, par ailleurs du même bleu que l’emboîtage, tous les feuillets sont constitués d’un papier blanc plié en deux.

Fig. 5Envisagé comme un « livr[e] d’artiste13Renée Riese Hubert, « From Déjeuner en fourrure to Caroline : Meret Oppenheim’s Chronicle of Surrealism », dans Mary Ann Caws, Rudolf Kuenzli et Gwen Raaberg (dir.), Surrealism and Women, MIT Press, 1991, p. 37 ; Renée Riese Hubert, Magnifying Mirrors : Women, Surrealism, & Partnership, U of Nebraska Press, 1994, p. 77. » par Renée Riese Hubert et simplement comme un « recueil de poèmes14Georgiana M. M. Colvile, Scandaleusement d’elles: trente-quatre femmes surréalistes, Paris, Jean-Michel Place, 1999, p. 118. » par Georgiana M. M. Colvile (dans sa présentation sommaire de la trajectoire et de l’œuvre d’Oppenheim), Sansibar débute par un feuillet dont la première page n’affiche que le titre. Fig. 6La page suivante est laissée vierge puis l’autre répète, en haut, le titre de l’œuvre en lettres majuscules et indique, en bas et en plus petit, la maison d’édition, Édition Fanal, la ville où elle se situe, Basel (Bâle) ainsi que l’année de publication, 1981. Le centre de la page porte la mention « Gedichte / und / Serigraphien / von / Meret Oppenheim » (« Poèmes et sérigraphies de Meret Oppenheim »), arrangée en plusieurs lignes comme s’il s’agissait des vers d’un poème (Fig. 5). À la fin du livre, une table des matières présente les poèmes (numérotés de 1 à 16 ; le huitième poème est triple : 8a, 8b et 8c sont par ailleurs imprimés sur un papier bleu ciel comme celui de la couverture15S’étendant sur les trois premières pages du neuvième feuillet, dont le papier bleu signale le statut particulier, ces poèmes sont dépourvus d’une sérigraphie. En revanche, de petits pictogrammes représentant une demi-lune puis un soleil agrémentent le début et la fin de cette série de poèmes.) dans l’ordre de leur genèse chronologique : « Ein merkwürdiger Erdteil » date de 1933 et « Ich muss die schwarzen Worte der Schwäne aufschreiben » indique 1957 comme année de rédaction (Fig. 6). Notons que dans le corps de l’ouvrage, les poèmes sont dépourvus d’un titre, sauf les poèmes 5 (« Sansibar »), 12 (« Sommer »), 13 (« Herbst ») et 14 (« Endlich »).

La sérigraphie et l’impression à la main de Sansibar ont été réalisées aux Ateliers et éditions Fanal de Bâle. Fondée en 1966, la maison d’édition, toujours active, est reconnue pour la création de livres d’artistes de facture précieuse à petit titrage et se consacre principalement à l’estampe, plus particulièrement à la sérigraphie et à la gravure. Elle revendique une appartenance à l’art abstrait construit, qui valorise avant tout la rigueur géométrique16Voir le site web « Fanal », Atelier Éditions Fanal, <http://www.fanal.ch/fanal.html>, page consultée le 31 janvier 2020..

Texte/image en union libre

Comme Valentine Penrose dans Dons des féminines (1951), Unica Zürn dans Hexentexte (1954) et Oracles et spectacles (1967) ou Dorothea Tanning dans En chair et en or (1973),Fig. 7 Meret Oppenheim fait preuve, vers la fin de sa carrière, d’une dualité créatrice en signant responsable non seulement des images mais aussi des textes de Sansibar. L’ouvrage comporte quinze sérigraphies en couleur et seize poèmes composés sur la longue durée (1933-1957). Répartis sur seize feuillets volants, les ensembles texte/image se partagent la double page selon une grande régularité : placée sur la page de gauche, l’image précède le poème, les deux formes d’expression se faisant ainsi face au sein d’un cercle embossé. Par ce dispositif où texte et image sont encadrés, embrassés par un même cercle, l’auteure-artiste parvient à établir une unité entre les sérigraphies et les poèmes. La plupart du temps, le dialogue entre le textuel et le pictural ne tient pourtant qu’à un fil : un mot, une expression ou un vers du poème jettent une passerelle vers l’image abstraite, comme dans l’exemple « Sommer », 12e poème du recueil (Fig. 7) :

Der Löwe stützt seine Nase auf den Tischrand
Zu seiner Rechten und zu seiner Linken
Schweben zwei Nymphen
Die ihm mit weissen Federn die Wangen kitzeln
In seine Augen sind Käfige eingebaut
In den Käfigen lachen die Hexen
Mit ihren Fasanenaugen
Mit ihren Pfauenwimpern
Mit ihren weissen Haaren
Mit ihren steinernen Brüsten
Der Löwe lacht
Und sein goldenes Gebiss leuchtet
Von Sonnenaufgang bis Sonneruntergang
.17Meret Oppenheim, Sansibar, op. cit. n. p.

Si l’on commence la lecture-spectature par l’image, puisque c’est ce que le dispositif de Sansibar suggère, on y voit deux lignes gris clair, ondulantes, qui forment un « Y » entre les branches duquel luit un rectangle doré. La sérigraphie ne donne aucun indice de la scène onirique évoquée par « Sommer » où il est question d’un lion accoudant son museau sur un bout de table pendant que deux nymphes lui caressent les joues avec des plumes blanches ; nulle trace non plus des cages encastrées dans les yeux du lion, à l’intérieur desquelles se trouvent des sorcières aux yeux de faisan (« Mit ihren Fasanenaugen »), aux cils de paon (« Mit ihren Pfauenwimpern »), aux cheveux blancs (« Mit ihren weissen Haaren »), aux seins en pierre (« Mit ihren steinernen Brüsten »). Ce ne sont que les vers 11 et 12 (« Der Löwe lacht / Und sein goldenes Gebiss leuchtet ») qui permettent d’établir un lien entre la page de gauche et celle de droite parce que le rire du lion fait apparaître sa dentition dorée qui renvoie au rectangle de l’image. Toute autre lecture iconotextuelle mène vers l’impasse, bien qu’on sente partout le plaisir des sonorités et des jeux de mots qui rappellent la poésie ludique de Christian Morgenstern, de Jean Arp et de Kurt Schwitters18Voir Andrea Oberhuber, « Figuration de soi et de l’Autre chez Meret Oppenheim », loc. cit., p. 115. Durant la période parisienne, Oppenheim se montrait très sensible aux anagrammes d’Unica Zürn. Il se dégage en effet un pouvoir incantatoire similaire des poèmes (proches du sortilège) des deux créatrices allemandes ayant œuvré pendant plusieurs années près des milieux surréalistes.. Oppenheim travaille la matérialité de la langue comme elle explore la matérialité de l’objet livre.

Dans la deuxième double page, pour prendre un autre exemple, le point commun entre le texte et l’image est à trouver dans les pierres (facilement identifiables dans les formes grises de taille différente, entourées de cercles noirs) qu’il faut jeter derrière soi (« Wirf die Steine hinter dich ») en même temps qu’il faut lâcher les murs (« Und lass die Wände los »). Tout se passe comme si les sérigraphies et les poèmes menaient des vies parallèles dans Sansibar, le seul hasard ayant fait se croiser leur chemin… Renée Riese Hubert explique les divergences considérables entre les deux médiums d’expression – rappelons que les rapports de collision (plutôt que ceux de collusion) constituent l’un des traits constitutifs tant du livre surréaliste que du livre d’artiste19Celui-ci est généralement l’œuvre d’un.e artiste visuel.le qui se dédouble en écrivain·e ou s’accapare la forme livresque.  – par l’écart temporel de leur genèse : « the graphics comment on texts written much earlier. Moreover, the illustrations exclude narrative and dramatic elements. In the absence of conflicts and reversals pertaining to the serigraphs […], Oppenheim lifts the confrontation between text and image to a poetic and spiritual level20Renée Riese Hubert, Magnifying Mirrors, op. cit., p. 79. ».

Le fait que les sérigraphies se soient ajoutées a posteriori aux poèmes (dont on ignore s’ils ont été composés dans l’entre-deux-guerres et dans l’après-guerre dans le but de constituer un recueil un jour) ne correspond pas à l’idéal surréaliste du travail collaboratif effectué de manière plus ou moins simultanée entre un.e auteur.e et un.e artiste visuel.le21Pensons aux livres hybrides réalisés entre Paul Éluard et Max Ernst, Éluard et Man Ray, Tzara et Miró.. Le décalage temporel en matière d’élaboration de Sansibar, livre d’une artiste consacrée depuis longtemps en 1981, relève davantage d’une idiosyncrasie que d’une pratique répandue dans les milieux artistiques contemporains investissant l’objet livre pour en faire des œuvres d’art. Citons pour preuve Geographic Despair (1979) et L’Amour vert (1982) de Martine Aballéa, A Humument. A Treated Victorian Novel (2016) de Tom Phillips ou Prenez soin de vous (2007) de Sophie Calle, à la fois exposition et livre d’artiste.

*

Quatre ans après Sansibar, Meret Oppenheim récidive en créant Caroline. Gedichte und Radierungen22Il y a lieu de se demander si le titre de l’ouvrage rend hommage à la poétesse allemande Karoline von Günderode qui avait entretenu une correspondance avec Bettina Brentano. En 1983, Oppenheim consacra aux deux romantiques allemandes des huiles sur toile intitulées respectivement Für Bettine Brentano et Für Karoline von Günderode. (1985) où l’on retrouve non seulement le parti pris en faveur d’une matérialité précieuse, mais aussi celui de la disposition des images (23 en tout) qui précèdent les poèmes (datés de 1934 à 1980 et dont sept sont en français). L’embossage demeure cette fois réservé aux pages qui accueillent, dans un hémicycle, les eaux-fortes en couleur (Fig. 8), de même qu’à deux poèmes sans image.Fig. 8 Le format (28,9 x 14,4 cm) est quasi identique à celui du livre de 1981. Le recueil se termine par le surprenant « Selbstportrait seit 50 000 Jahren v. Chr. bis X » (« Autoportrait de 50 000 ans avant Jésus-Christ jusqu’à X temps, 1980 »)23Voir les commentaires de Renée Riese Hubert sur cette double page sur laquelle se referme Caroline : « From Déjeuner en fourrure to Caroline : Meret Oppenheim’s Chronicle of Surrealism », Dada/Surrealism, no XVIII, 1991, p. 47-48. mis en valeur par un gaufrage s’enlisant entre les strophes pour faire surgir entre la colonne de droite et celle de gauche une forme « aboresque » (Fig. 9). Fig. 9Décrit des pieds à la tête, le sujet lyrique se complaît dans une vision cosmogonique de l’univers où toutes les frontières entre les règnes humain, animal et minéral semblent abolies. En harmonie avec le microcosme et le macrocosme, le « je » croit l’écriture capable de fixer la pensée ; il croit que même « les pensées qui n’ont jamais été pensées roulent autour de la Terre dans la grande boule spirituelle » (« Alle Gedanken, die je gedacht wurden, rollen um / die Erde in der grossen Geistkugel »), et qu’après l’explosion finale, ces mêmes pensées impensables se disperseront « dans l’univers et vont continuer de vivre sur d’autres étoiles24Meret Oppenheim, Poèmes et carnets, op. cit., p. 51. » (« die Gedanken zerstreuen sich im Universum, / wo sie auf andern Sternen weiterleben »).

Signe du Ciel ou simple effet du Temps ? Le 15 novembre 1985, jour du lancement/vernissage de Caroline, Meret Oppenheim décéda d’un infarctus. Sansibar et Caroline conservent, par-delà la finitude humaine, les mots et les images d’une pensée et d’un mode de création résolument indépendants.

Références bibliographiques

Corpus primaire

  • Oppenheim, Meret, Husch, husch, der schönste Vokal entleert sich, poèmes, dessins de Meret Oppenheim [1933-74], édition établie par Christiane Meyer-Thoss, Francfort, Suhrkamp, 1984.
  • Oppenheim, Meret, Sansibar, Bâle, Edition Fanal, 1981.
  • Oppenheim, Meret, Caroline, Bâle, Edition Fanal, 1985.
  • Oppenheim, Meret, Poèmes et carnets, 1928-1985, sélection de textes traduits de l’allemand par Henri-Alexis Baatsch, Paris, Christian Bourgois, 1993.

Corpus critique

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  • Bhattacharya-Stettler, Therese et al., Meret Oppenheim : Retrospektive : « mit ganz enorm wenig viel », catalogue d’exposition, Ostfildern-Ruit, Hatje Cantz, 2006.
  • Colvile, Georgiana M. M., Scandaleusement d’elles : trente-quatre femmes surréalistes, Paris, Jean-Michel Place, 1999.
  • Colvile, Georgiana, « Autoportraits de femmes surréalistes et mythe de sphynx », Mélusine, no 31, 2011, p. 289-314.
  • Combier, Marc, Yvette Pesez et François Richaudeau, « Gaufrage », Encyclopédie de la chose imprimée : du papier à l’écran, Paris, Éditions RETZ, 1999, p. 113.
  • Curiger, Bice, Meret Oppenheim, Zurich, ABC Verlag, 1982.
  • Curiger, Bice, Meret Oppenheim. Defiance in the Face of Freedom, Zurich-Francfort-New York, Parkett Publishers, 1989.
  • Moeglin-Delcroix, Anne, Esthétique du livre d’artiste (1960-1980), Paris, Jean-Michel Place et Bibliothèque nationale de France, 2001 [1997].
  • Moeglin-Delcroix, Anne, Sur le livre d’artiste : articles et écrits de circonstance (1981-2005), Marseille, Le Mot et le reste, 2006.
  • Oberhuber, Andrea « Figuration de soi et de l’Autre chez Meret Oppenheim », Mélusine, no 33, Paris, 2013, p. 111-123.
  • Oberhuber, Andrea, « Livre surréaliste, livre d’artiste mis en jeu », Mélusine, no 32, Paris, 2012, p. 9-30.
  • Oberhuber, Andrea et Sofiane Laghouati, « Emploi et contremploi du Livre », Textimage, no 11, 2019, <https://www.revue-textimage.com/17_blessures_du_livre/introduction1.html> (page consultée le 12 février 2020).
  • Riese Hubert, Renée, « From Déjeuner en fourrure to Caroline : Meret Oppenheim’s Chronicle of Surrealism », Dada/Surrealism, vol. 18, no 1, 1990, p. 37-49.
  • Riese Hubert, Renée, « Romantic Intertextuality : Meret Oppenheim’s Verbal and Visual Works », dans Ingeborg Hoesterey et Ulrich Weisstein (dir.), Intertextuality : German Literature and Visual Art from the Renaissance to the Twentieth Century, Columbia, Camden House, 1993, p. 100-117.
  • Riese Hubert, Renée, Magnifying Mirrors. Women, Surrealism, & Partnership, Lincoln, University of Nebraska Press, 1994.
  • Schuster, Jean, « Le Quatrième Chant », Le Monde, le 4 octobre 1969.